La Fondation Bex & Arts a nommé Monique Keller et Anne-Outram Mott commissaires de la triennale qui investira le parc de Szilassy en 2026. Un nouveau tandem à la tête de l’une des plus importantes expositions de Suisse, promettant de belles surprises pour cette 16e édition.
Une histoire qui s’écrit depuis 45 ans
Bex & Arts trouve ses origines dans une exposition de sculpture organisée en 1978 par André Raboud et ses amis Suzanne et Pascal Cadosch à la Tour de Duin. Cette première édition présentait neuf sculpteurs suisses romands. En 1981, grâce au soutien de la commune de Bex et à l’initiative d’Aimé Desarzens, alors syndic de la ville, l’événement prend une nouvelle dimension et devient une triennale officielle. Dès 1984, elle s’étend à plusieurs sites, tels que la Tour de Duin, le parc de Szilassy, le Château Feuillet et l’Hôtel de Ville. A partir de 1987, sous la direction du curateur Nicolas Raboud, le parc de Szilassy devient le lieu exclusif de Bex & Arts. Un lieu emblématique pour une exposition désormais ancrée dans la mémoire régionale et dans le paysage artistique suisse. Dès lors, la triennale a su s’adapter et évoluer au fil des ans, acquérant une solide réputation nationale lui permettant d’attirer des artistes du monde entier.
Un cadre exceptionnel
Le parc de Szilassy est créé au XIXe siècle par Lady Hope et sa fille Elisabeth, deux Anglaises qui introduisent dans la région le concept du jardin paysager à l’anglaise. Plutôt que de se plier à une symétrie rigoureuse, le parc à l’anglaise s’inspire de la nature sauvage et privilégie des agencements fluides et irréguliers avec des points de vue pittoresques qui contribuent à la création d’un paysage idéal où art et nature se fondent harmonieusement. Les deux femmes conçoivent alors un espace de promenade mêlant nature et esthétique, avec des sentiers sinueux et des points de vue soigneusement choisis. A l’époque, sur le domaine, la famille Hope construit une maison de maître, des serres, des pavillons et même des ruches, témoins de la vie qui animait autrefois le lieu. Transmis de génération en génération, le domaine est légué en 1969 au canton de Vaud, selon les volontés de Charles de Szilassy, « en faveur de l’enfance malheureuse ». Aujourd’hui, le parc reste un espace de culture et de réflexion. Le petit cimetière, établi sur la propriété, conserve la mémoire des anciens propriétaires. Le domaine accueille depuis 2008 un accompagnement éducatif ambulatoire pour adolescents, ainsi qu’un foyer d’accueil résidentiel ouvert en 2011 dans l’ancienne maison familiale, destiné à soutenir, dans leur parcours de réinsertion sociale et professionnelle, des jeunes en difficulté.
Association de compétences
Depuis le mois de février, Monique Keller et Anne-Outram Mott ont pris leur fonction pour définir le concept global et le thème de la manifestation, lancer la commission qui soutiendra les choix artistiques de cette édition et fédérer les partenaires. Elles succèdent à Eléonore Varone, commissaire de l’édition 2023 intitulée « Vivement demain ! ».
Monique Keller travaille depuis 2013 sur des projets liant paysage, urbanisme et art dans l’espace public. En tant que commissaire de Lausanne Jardins 2019 et 2024, ainsi que de Genève, villes et champs en 2014, elle a acquis une expertise dans la mise en réseau d’acteurs culturels, paysagistes et urbanistes, dans la conception d’expositions dans l’espace public et dans la gestion de grandes démarches interdisciplinaires.
À ses côtés, Anne-Outram Mott, économiste et sociologue spécialisée dans la culture, apportera son expérience en conception d’initiatives culturelles, en gestion de partenariats et en participation des publics. Associée du curateur indépendant pendant plus de dix ans et actuel directeur du Musée cantonal des Beaux-Arts Juri Steiner, elle a, à son actif, de nombreuses collaborations à des expositions et projets artistiques collectifs réalisés à l’échelle de la Suisse.
Les deux commissaires ont déjà collaboré, notamment sur « Regarder le glacier s’en aller » ou « NEXPO », témoignant d’une complicité artistique manifeste. Pour cette triennale, leurs compétences respectives promettent une belle alchimie entre paysage, création artistique et participation collective. Elles se réjouissent de pouvoir participer ensemble à cette nouvelle édition. « C’est un défi stimulant : donner suite à 45 ans d’histoire, tout en partant d’une page blanche, car aucune pièce ne reste dans le parc à l’issue d’une édition. À nous de réinventer cet événement, de l’habiter de notre regard et d’y insuffler de nouvelles façons de faire », exprime Monique Keller.
Art et paysage
Bien que l’organisation de l’édition 2026 en soit encore à ses débuts, les deux commissaires ont récemment dévoilé le thème. Avec ce tandem curatorial, cette nouvelle triennale s’annonce engagée et résolument interdisciplinaire, explorant le dialogue entre arts plastiques, arts vivants et paysage, en résonance avec l’histoire du parc et dans une volonté affirmée d’ouverture au public.
Premier atout de ce rendez-vous artistique : le cadre. « Nous avons été frappées par ce parc absolument magnifique créé du temps de Bex-les-Bains, alors que la station thermale faisait office de porte vers les Alpes », remarque Monique Keller avant d’ajouter : « Il ne s’agit pas uniquement de mettre le paysage à l’honneur à travers les œuvres ou inversement, mais de comprendre ce lieu ». La prochaine édition reviendra donc sur les origines de cet espace naturel et de son concept afin de mieux en saisir sa portée artistique et historique. « Cette exposition permet de faire un pas de côté pour se retirer dans un endroit où l’on se sent bien, dans ce jardin à l’anglaise dont les frontières se confondent avec le grand paysage », ajoute la commissaire.
Ces dernières années, l’événement s’est ouvert à d’autres formes d’art que la sculpture, intégrant ainsi les domaines plastiques et visuels. Les deux commissaires souhaitent développer cet aspect en intégrant les arts vivants au programme. « Le parc deviendra un acteur essentiel, avec des installations et des sculptures (une vingtaine de propositions par des artistes locaux, nationaux et internationaux), mais aussi des expériences diverses à découvrir tout au long du parcours », précise Anne-Outram Mott avant d’ajouter : « Danse, musique, lecture, mais aussi des ateliers et d’autres activités ponctuelles offriront des occasions de se rencontrer, de partager, tout en invitant les visiteurs à devenir des artistes qui expérimentent un nouveau point de vue sur le parc et la région ». Bex & Arts invite à la réflexion sur ce qui nous entoure, sur la société, sur des sujets d’actualités. Cet élément sera renforcé afin de créer des moments d’échanges.
Grande nouveauté, en lien avec la volonté de favoriser le partage et les échanges ; l’exposition sera accessible à un prix libre. Chaque visiteur contribuera selon ses moyens. Un vrai atout qui s’adapte à toutes les bourses, mais qui permet aussi et surtout de revenir plusieurs fois au fil de la saison, pour profiter pleinement de cette manifestation éphémère, du cadre exceptionnel et des œuvres, d’autant que le site n’ouvre ses portes au public que lors de cette triennale. « La buvette fera office de lieu d’accueil ; un espace convivial dans lequel chacun pourra venir à sa guise, simplement pour nous voir, nous dire bonjour, discuter », indique Monique Keller.
Nouveau président du conseil de Fondation
Après un an en tant que président ad intérim, Alberto Cherubini a officiellement été élu président du conseil de Fondation le 28 mars. Il succède à Anne Bielman qui a eu le grand mérite de piloter trois éditions de Bex & Arts. « C’est une exposition d’envergure nationale qui marie nature et culture sur le site exceptionnel de Szilassy. Depuis plus de 40 ans notre triennale contribue au rayonnement de la cité du sel. Grâce au soutien de la commune et du canton, j’espère que cette aventure perdurera le plus longtemps possible », confie-t-il avant d’ajouter : « Le duo Monique Keller et Anne-Outram Mott est très affairé à préparer les ingrédients de la prochaine édition. A l’instar des grandes cheffes de cuisine, elles apportent une attention minutieuse à ce travail de préparation. Ce qui me fait penser que l’édition 2026 sera de grande qualité ».
En effet, de belles surprises attendent les visiteurs. De nombreux jalons restent à franchir dans l’organisation : la recherche de fonds, la sélection des artistes, la mise en place de collaborations et la communication. Mais cette triennale se dessine avec plus de clarté, avec des idées claires et des projets novateurs qui s’intègrent aux missions de Bex & Arts tout en lui apportant une touche de fraîcheur. Rendez-vous en 2026 pour découvrir cette nouvelle édition où art, nature et engagement se rencontreront dans un écrin unique au pied des Alpes.
- Photos : Bex & Arts / Cédric Widmer