Lutte contre les espèces exotiques envahissantes

L’invasion des espèces exotiques a été identifiée comme étant l’une des cinq causes majeures de perte en biodiversité. Leur propagation est extrêmement rapide et se fait souvent au détriment du patrimoine biologique indigène. Dans le cadre des journées « Cure de pioches » lancées par l’association Alpes Vivantes, un chantier d’arrachage des ailantes initié en 2022 a été reconduit samedi 28 octobre à Bex.

 

Arrachage des ailantes à Bex par l’association Alpes vivantes
Arrachage des ailantes à Bex par l’association Alpes vivantes

 

Une simple mare, une forêt, une chaîne de montagnes, la planète Terre même, évoluent en interdépendance avec les êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes) qui les peuplent. L’enjeu consiste à déterminer avec urgence comment ces écosystèmes peuvent être protégés. Pour comprendre les termes de ce défi, il faut reprendre toute l’histoire depuis son début.

 

Causes et conséquences

L’artificialisation des sols, la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions diverses sont autant de facteurs qui entraînent une grave perturbation des milieux naturels. L’impact des espèces exotiques envahissantes, qui entrent en compétition avec les animaux et les végétaux indigènes, est très important et peut toucher la santé humaine et la productivité agricole. Le moustique tigre, par exemple, est vecteur de maladies comme la dengue ou « grippe tropicale » contre laquelle il n’existe aucun traitement spécifique pour le moment. Qui n’a jamais entendu parler de la Berce du Caucase ? Outre son caractère de plante extrêmement invasive, elle produit une toxine phototoxique qui provoque des brûlures et une inflammation de la peau en cas d’exposition au soleil ou aux rayons UV. La plante est pourtant magnifique et les visiteurs du jardin alpin de la Thomasia aux Plans-sur-Bex ne manquent pas d’admirer l’exemplaire qui s’y trouve.

 

En Suisse, 430 animaux, 730 plantes et 145 champignons font partie de la catégorie des espèces exotiques. Pour 197 d’entre elles, il est prouvé qu’elles causent des dommages ou qu’elles sont susceptibles d’en causer (source : Espèces exotiques en Suisse, Office fédéral de l’environnement 2022). En Europe continentale, les coûts générés par la gestion et la réparation des dommages causés par les invasions biologiques ont été estimés à plus de 12,5 milliards d’euros par an (source : Office Français de la Biodiversité).

 

L’ailante, espèce envahissante, est citée comme plante nuisible et dangereuse par l’OFEV (Office fédéral de l’environnement
L’ailante, espèce envahissante, est citée comme plante nuisible et dangereuse par l’OFEV (Office fédéral de l’environnement

 

Les variétés de plantes ornementales, mellifères et agricoles ont été introduites délibérément. Par exemple, au sud des Alpes, les conditions clémentes autour des lacs ont été mises à profit pour introduire des spécimens décoratifs exotiques dans les jardins et les parcs. La Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) ou les solidages américains (Solidago spp.) ont été sélectionnés pour leurs propriétés mellifères. Tout comme le Robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia), dont le bois très robuste et durable a été utilisé pour la construction d’ouvrages paravalanches et largement au Tessin pour la stabilisation des talus du chemin de fer du Saint-Gothard. L’introduction a cependant été involontaire dans un bon nombre de cas. Des graines de séneçon sud-africain (Senecio inaequidens) ont été importées d’Afrique du Sud avec de la laine de mouton. La plante s’est d’abord répandue dans les ports, d’où elle a poursuivi sa progression le long des voies de circulation. Les graines de l’ambroisie (Ambrosia artemisiifolia), originaire des Amériques, ont été introduites avec des graines de tournesol, contaminant des graines pour oiseaux ou des semences pour les cultures agricoles. Son pollen peut provoquer des allergies graves chez les personnes sensibles. Une réglementation est devenue presque impossible dans certains cas en raison d’une propagation démesurée en dehors de l’aire d’origine.

 

Le cas de l’ailante

L’ailante (Ailanthus altissima), espèce envahissante, est également citée comme plante nuisible dangereuse. Appelé aussi « faux vernis du Japon », « ailante glanduleux » ou encore « vernis de Chine », cet arbre à l’allure exotique très ornementale est particulièrement reconnaissable. Ses feuilles ont une odeur très désagréable rappelant, quand on les froisse, celle de l’urine des chats, à cause d’une glande située à leur base, d’où son nom d’ailante glanduleux.

 

La Berce du Caucase, visible entre autres au jardin la Thomasia, est une plante extrêmement invasive et qui produit une toxine qui provoque des brûlures et une inflammation de la peau en cas d’exposition au soleil ou aux rayons UV
La Berce du Caucase, visible entre autres au jardin la Thomasia, est une plante extrêmement invasive et qui produit une toxine qui provoque des brûlures et une inflammation de la peau en cas d’exposition au soleil ou aux rayons UV

 

Essence pionnière (la première à coloniser un écosystème perturbé ou endommagé), l’ailante se développe sur des sols secs tels que décombres, gares et voies ferrées, zones industrielles, ruines, murs, prairies sèches et zones rocheuses. Il est tolérant à la salinité, la sécheresse et à la pollution atmosphérique. Les abeilles ne trouvent aucun intérêt sur la fleur et les chevreuils ne mangent pas leurs feuilles à cause de leurs substances amères. L’ailante, qui comme l’aulne vert (Alnus viridis), ou vernes, colonise rapidement de nouveaux sites en se dispersant à la fois par des rejets qui naissent sur ses racines et par ses fruits dispersés par le vent, détruit 25% des plantes indigènes sur son passage.

 

La Confédération investit chaque année 60 millions de francs – auxquels s’ajoutent 90 millions des cantons, des communes ou les chemins de fer – pour maintenir la forêt en bon état et pour éviter la production de phénomènes dangereux comme les chutes de pierres, les avalanches, les crues, les glissements de terrain et l’érosion du sol (source : Forêt suisse). Une collaboration efficace mise en place dans les Grisons, par exemple, a permis l’élimination sur des zones entières de la Berce du Caucase. Mais l’état des prairies et pâturages secs s’est particulièrement dégradé aux altitudes plus élevées, alors que c’est justement là que se trouvent aujourd’hui les hauts lieux de la diversité biologique. Les prairies qui ne sont plus fauchées ou pâturées se couvrent de buissons et d’arbres qui y évincent les plantes typiques. Dans nos communes, l’exploitation des pâturages d’alpage est souvent abandonnée en raison des conditions difficiles (une forte pente rend par exemple l’exploitation par des moyens mécaniques quasi impossible ou très coûteuse).

 

Actions de l’association Alpes vivantes

L’éradication pure et dure n’est pas forcément la meilleure solution. Pour Jean-Christophe Fallet, porte-parole de l’association Alpes vivantes, il s’agit bien plutôt de suivre de près l’évolution du phénomène pour y installer un certain équilibre. Cet agronome de formation s’investit avec passion dans les activités de l’association dont les communes d’Aigle, de Gryon, d’Ollon, de Bex, de Lavey-Morcles et de Leysin sont membres.

 

Sept bénévoles (4 adultes et 3 enfants) ont participé à la première « Cure de pioches » au mois de décembre 2022 pour arracher les ailantes du Parc Szilassy à Bex. D’autres interventions réalisées sur les terrains des Salines de Bex et dans le parc des Salines ont été menées par des personnes du métier (une biologiste et un ingénieur en environnement en l’occurrence) en raison des mesures de sécurité particulières à observer (par exemple la présence de falaises aux Salines). Seuls des petits groupes sont mobilisés, car les manœuvres peuvent être délicates et il est primordial de ne pas abîmer le terrain plus que nécessaire.

 

Les espèces envahissantes sont considérées comme l'une des principales causes d'extinction de plantes et d'animaux dans le monde
Les espèces envahissantes sont considérées comme l’une des principales causes d’extinction de plantes et d’animaux dans le monde

 

Une journée de participation à l’effort collectif pour la biodiversité, organisée en collaboration avec Alpes vivantes, a mobilisé élèves et enseignants des écoles de Bex pendant quatre jours en juin pour couper du vérâtre blanc (Veratrum album), une plante envahissante et toxique qui est souvent confondue avec la gentiane jaune. Les élèves et les adultes ont coupé les têtes afin d’éviter la dissémination des graines.

 

En août, les premières actions d’arrachage et d’annelage (ou cerclage, qui consiste à retirer l’écorce sur toute la circonférence de l’arbre pour provoquer son affaiblissement) des ailantes ont été entreprises sur le territoire de Bex. Finalement, la deuxième « Cure de pioches » du samedi 28 octobre dernier a été annoncée par la radio locale et dans le carnet des manifestations de la cité du sel. A noter que pour en faciliter l’accès à tout public, ces sorties sont majoritairement organisées en ville de Bex.

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Barbara B.

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