L’hôpital d’Aigle tire sa révérence

Depuis le début du mois de mars, les travaux de démolition de l’hôpital ont débuté. Cependant, c’est le samedi 25 mars, lors de l’effondrement de la dernière façade, que des habitants sont venus lui dire au revoir. Souffle coupé, gorge serrée, yeux brillants, l’émotion était palpable.

 

Les travaux de démolition de l’hôpital ont débuté au début du mois de mars
Les travaux de démolition de l’hôpital ont débuté au début du mois de mars

 

Inscrit dans le patrimoine communal, l’hôpital d’Aigle a suivi au gré du temps l’évolution de la ville et de ses riverains. Celui-ci a relié des milliers d’histoires de vie, et lègue sa place à un gymnase.

 

Du Moyen Âge à aujourd’hui

L’histoire de l’hôpital est antérieure à son appellation commune. Au Moyen Âge, les hôpitaux étaient des maisons pour les indigents. La majorité des malades était soignée à leur domicile par les membres de la famille. Les mauvaises conditions d’hygiène et la promiscuité favorisaient souvent la prolifération des affections. Tenir à l’écart les personnes souffrantes de ces lieux était un moyen plus fiable pour les soigner.

 

Un hospice existait déjà au XIIIe siècle à Aigle, pour accueillir les pèlerins malades et les voyageurs indigents. Mais sa localisation exacte reste encore indéterminée. Le premier « hôpital » fût  fondé par Aymon de Pontverre, régi par la Confrérie du Saint-Esprit et il était situé derrière l’Eglise Saint-Jacques. Sous le régime bernois, la bourgeoisie avait la gérance de ce dernier. Elle nomma un recteur qui était chargé de l’aspect administratif, et un hospitalier qui lui s’occupait du bâtiment et de ses résidents.  Le dispensaire mettait à disposition des chambres, afin de donner refuge aux nécessiteux. 

 

 

L’hôpital a été construit en 1931
L’hôpital a été construit en 1931

 

Longtemps considérés comme des mouroirs, les hôpitaux avaient mauvaise réputation. S’est donc fait ressentir la volonté de créer une maison de santé pour les malades isolés ainsi que ceux domiciliés dans les villages éloignés du district et dont le suivi d’un médecin était irrégulier. A l’instar de l’infirmerie de Vevey, Rolle et Yverdon, et sous l’impulsion de Madame de Löes-Marquis, la première infirmerie aiglonne a vu le jour à La Chapelle, le 5 février 1867. Sa construction fut notamment un tournant capital dans l’évolution de ses pratiques et de ses techniques, car avant même qu’elle fut achevée, son premier hôte fut soigné. Durant sa première année, 48 patients furent soignés et très vite ses locaux apparurent comme insuffisants. En 1869, l’infirmerie est délocalisée sur Yvorne, à la Fourmilière, en attendant la construction de la nouvelle. Le 21 septembre 1871 est inaugurée la nouvelle infirmerie d’Aigle, celle des Payernettes.

 

S’ensuit, en 1931, les travaux du nouvel hôpital avec sa consécration l’année suivante, pour aboutir à la refonte du nom, passant de Société de l’Infirmerie d’Aigle à Société de l’hôpital d’Aigle. Seulement quelques jours après son ouverture, il était complètement occupé et la chirurgie était le domaine le plus exploré.

 

À partir de cette date, l’hôpital ne cessa de s’agrandir, en augmentant sa capacité d’accueil, ses moyens, son effectif et en élargissant les spécialités de ses services. Le « dernier » hôpital connu comme l’ « unique » hôpital d’Aigle aura vu en son sein plus d’un siècle de traitements médicalisés.

 

D’aujourd’hui à demain

L’augmentation de la population vaudoise et des élèves qui suivent une formation générale est croissante. « Soit 3’000 jeunes de plus dans les formations postobligatoires depuis 2015 », précise Nicolas Liechti, responsable communication de la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP). Le canton a donc opté pour la construction d’un gymnase en substitution de l’hôpital. Répondre à cette demande grandissante est apparue comme une nécessité, notamment par le fait que cette école sera le quatorzième établissement scolaire cantonal et le premier dans le Chablais. En ce sens, ce gymnase apportera une quarantaine de classes supplémentaires d’ici ces trois prochaines années, soit une capacité d’accueil de 1’100 élèves.

 

Au plus loin que les natifs se souviennent, l’hôpital a toujours fait partie de l’identité de la ville
Au plus loin que les natifs se souviennent, l’hôpital a toujours fait partie de l’identité de la ville

 

La direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP) a donc mis au concours le projet de ce futur gymnase avec pour critères qu’il soit durable et en bois. Quarante projets ont été retenus dont trente-quatre helvétiques (dix-huit vaudois), cinq français et un espagnol. Le lauréat du concours, à l’unanimité du jury, est le projet « roses des vents » du cabinet Giorgis Rodriguez Architectes Sarl de Genève.

 

L’infrastructure sera une construction en bois placée au centre d’un parc public arborisé, principalement avec la mise en terre de huitante nouveaux arbres indigènes. De plus, le bâtiment se définira par un seul volume qui se divisera en quatre parties distinctes et fonctionnelles, le tout articulé par un patio central. Afin de fluidifier l’accessibilité, l’ensemble des espaces communs tels que le restaurant, la cafétéria, la médiathèque et la salle de sport seront situés au rez-de-chaussée et le passage sera assuré par quatre entrées, avec un grand patio central.  Les deux niveaux supérieurs seront destinés aux salles de cours et salles spécialisées. Et pour terminer, l’architecture du bâtiment se caractérisera par une structure légère, transparente et perméable. Le bâtiment sera quasi autonome en termes d’électricité grâce aux panneaux photovoltaïques installés sur toute la surface de la toiture et comprendra une pompe à chaleur qui exploitera la chaleur de la nappe phréatique. En somme, le nouveau gymnase sera un lieu ouvert sur l’extérieur, lumineux et avec une ossature en bois qui le rendra chaleureux et convivial.

 

Une mémoire collective enracinée ?

Le projet du nouveau gymnase est sur le papier prometteur. Longtemps berceau des soins, la construction de celui-ci devra être ressentie comme une continuité. Souvent de pair, l’éducation et la santé sont les mesures sociales qui garantissent la prise en charge de la communauté.

 

Une page se tourne
Une page se tourne

 

Les habitants ont vu s’effondrer la dernière façade de ce qui leur restait d’un passé commun. Au plus loin que les natifs se souviennent, l’hôpital a toujours fait partie de l’identité de la ville.  Chaque riverain garde en mémoire des souvenirs attachés à cette antenne chirurgicale. Monument phare de la ville, il représentait le cycle de la vie dans son entièreté. Quel beau message que de passer de l’inerte à la vie et de la mort à la résurrection. L’hôpital ne pourra pas renaître de ses cendres, tel un phœnix, mais les derniers nouveau-nés seront les messagers de sa survie en arpentant les couloirs du gymnase. « Présente au bord du chantier pour faire des photos de la démolition, j’ai croisé de nombreux habitants d’Aigle et de ses environs. L’émotion de voir ce bâtiment s’effondrer était palpable. Chacun revivait des moments clés de sa vie, une naissance, une hospitalisation voire le décès d’un proche ou d’un ami, ou des années de vie professionnelle. Et que dire du jour où les salles d’opération ont été démolies, j’avais l’impression d’assister au film des interventions tant les témoignages étaient vivants, détaillés et chargés d’anecdotes. Je n’ai pas ressenti de nostalgie mais plutôt une forme d’hommage et de remerciement aux soignants et à tous les collaborateurs qui avaient fait de cet établissement, un hôpital à dimension humaine. Conscients qu’une page d’histoire se fermait, les regards se tournaient vers Rennaz et les futurs gymnasiens qui viendront animer ce quartier », confie Mireille Clerc.

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D. Bordet

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