Depuis la création officielle de l’Agglo en 2008, le Chablais se pense de plus en plus comme un territoire uni par sa géographie plutôt que divisé par des frontières administratives. La participation de l’Agglo à son premier projet date de 2011. Il s’agissait du Projet d’Agglomération 2 (PA2) à l’échelle nationale. Le dernier projet déposé en juin, PA5, fait également office de Plan directeur intercommunal (PDI), liant pour les autorités. Il incarne les ambitions d’un territoire en mutation tourné vers l’avenir.
La politique fédérale des agglomérations
Les projets d’agglomération découlent d’une politique mise en place par la Confédération dans les années nonante. En 2001, le Conseil fédéral institue la politique des agglomérations dont les premiers plans seront déposés en 2007. Leurs objectifs à long terme sont :
- Renforcer la qualité de vie ;
- Garantir la compétitivité ;
- Développer un tissu urbain de qualité ;
- Mettre en place une coordination efficace.
Les villes et agglomérations concentrent plus de 70 % des habitants et 80 % des emplois en Suisse. Moteurs d’expansion économique, sociale et culturelle, elles ont connu une croissance rapide durant les dernières décennies, avec comme corollaire un développement citadin important, pas toujours pensé sur le long terme. Celui-ci, couplé à l’augmentation du niveau de vie et à celle de la mobilité individuelle, a engendré une saturation de plus en plus fréquente des réseaux routiers. Notamment à l’entrée des communes et dans les centres-villes aux heures de pointe. Lorsqu’un plan d’agglomération est accepté, 30 à 50 % du coût des infrastructures de transport peuvent être pris en charge par la Confédération.
Chablais Agglo regroupe huit communes : Aigle, Bex, Collombey-Muraz, Massongex, Monthey, Ollon, de même que Lavey-Morcles et Saint-Maurice arrivées dernièrement. Selon Fabrice Thétaz, Président de Monthey et vice-président du Comité de pilotage de Chablais Agglo, « ce projet est le fruit d’un dialogue renforcé entre les communes, les cantons et les partenaires techniques. Il montre que la coopération est non seulement possible, mais essentielle pour construire un territoire plus attractif, plus résilient et mieux connecté, au bénéfice des habitants et de leur cadre de vie ». Aurélie Fiorucci, Cheffe de projet, évoque « la volonté d’un travail collectif autour d’une vision commune forte ».
Un projet d’agglomération pour un territoire en croissance
Si les objectifs principaux du PA5 s’inscrivent dans la continuité des précédents, certains thèmes, comme la mobilité, la pollution, l’étalement urbain et la nature en ville, y sont particulièrement représentés. En effet, les plans d’agglomération suivent les préoccupations actuelles. Concrètement, une centaine de mesures a été identifiée. Elles toucheront la sécurité routière, le développement de la mobilité douce, la végétalisation des espaces et la valorisation des centres urbains. À titre d’exemple, celles concernant la mobilité représentent 105 millions de francs à elles seules. Le projet propose de favoriser l’accueil de nouveaux habitants et de nouveaux emplois grâce à un réseau de transports publics attractif, tout en préservant le patrimoine bâti. L’espace public sera réaménagé afin que les différents modes de transports cohabitent harmonieusement, et des infrastructures pour les transports publics, les cycles et les piétons seront réaménagées ou créées. Ce dernier point étant également en lien avec la 3e correction du Rhône. La décarbonisation reste un sujet, et par exemple, Massongex sera raccordée au chauffage à distance. Pour le secteur industriel, l’accent est mis sur le développement des circuits courts et les collaborations de proximité.
Deux communes au cœur de la transformation
Bex
Alberto Cherubini, Syndic, m’accueille avec un grand sourire. La commune de Bex s’apprête à récolter les fruits des graines semées dans Chablais Agglo depuis 2011. En effet le giratoire Rivarotte obtiendra un financement de 390’000 CHF (sur 1.4 M) dans le cadre du PA3, ce qui n’était pas prévu. Plusieurs mesures cofinancées du PA4 sont à réaliser avant décembre 2028. Parmi elles, le réaménagement de la route d’Aigle (810’000 CHF) et de la rue des Pépinières (100’000 CHF). Le PA5, actuellement soumis à l’approbation de la Confédération, comprend entre autres : la création d’un chemin de mobilité douce entre Bex et le Rhône, la construction d’une passerelle au-dessus du Rhône, à l’endroit où la Gryonne se jette dans le fleuve, et la reconstruction de la passerelle entre Massongex et Bex. Ces deux derniers éléments étant étroitement liés à la correction 3 du fleuve, qui inclura la construction du barrage hydroélectrique MBR (Massongex – Bex – Rhône). En créant des facilitations de passage au-dessus du Rhône, l’Agglo renforce les interactions entre les habitants de part et d’autre, tout en décloisonnant la vision administrative de lieux unis par leur géographie.
Aigle
Pour le Syndic et le Président du Comité de pilotage de Chablais Agglo, Grégory Devaud, « les Plans d’Agglo sont des projets qui nous permettent d’identifier des chantiers majeurs renforçant la cohérence du territoire et de bénéficier d’un soutien financier non négligeable ». Il souligne l’excellente entente des différents Syndics et Présidents, de même que de tous les services techniques, qu’il voit comme une force pour la région. « Petit à petit, nous avons développé une cohésion de groupe avec une vision commune sérieuse, et ceci nous permet d’être bien organisés pour défendre nos projets, notamment auprès des autorités cantonales vaudoises et valaisannes dont le fonctionnement diffère. Je peux très bien me rendre à Sion pour une réunion, et mes collègues valaisans se déplacer à Lausanne ». Dans le PA5, Grégory Devaud est particulièrement attaché aux passerelles et aux ponts : « Relier les populations, et offrir une vraie alternative pour passer d’un canton à l’autre en transports publics grâce à un pont entre les deux zones industrielles d’Aigle et de Collombey est un pas en avant important ». En effet, les bus pourront ainsi éviter la traversée du pont de l’autoroute, un enfer aux heures de pointe, et relier Aigle et Monthey en une quinzaine de minutes au lieu d’une bonne demi-heure dans le flux des voitures. Les entreprises limitrophes pourront l’utiliser sous certaines conditions également.
Les enjeux à long terme pour le Chablais
L’adaptation au changement climatique passe par le renforcement de la mobilité douce et de l’intermodalité. Il doit être plus facile de passer de la voiture au train ou du train au vélo ou de la marche au bus, par exemple. Pour que ce soit possible, les espaces où ont lieu les échanges doivent être plus sécurisés et plus végétalisés, aussi pour qu’ils puissent dégager une certaine fraîcheur, car le thermomètre monte. Le nombre d’arbres au m2 a très nettement augmenté par rapport aux exigences du plan précédent ; c’est pourquoi certains espaces seront renaturés. L’attractivité économique et touristique de la région, aux atouts nombreux, alliée au souci du bien-être et de la qualité de vie, sera renforcée par une meilleure fluidité de mouvement au sein des communes et de leur centre-ville vers les zones commerciales et industrielles. Le tourisme est un secteur important de l’économie locale. Il génère nombre d’emplois et participe à la préservation de savoir-faire traditionnels, comme ceux liés à la vie en montagne. La collaboration intercantonale entre Vaud et Valais fonctionne et se complète, créant des synergies sur les différents dossiers, en accord avec les plans directeurs communaux et cantonaux. C’est aussi un point très positif pour l’avenir. En effet, le plan permet à toutes les communes d’harmoniser les règlements et de réfléchir conjointement à une stratégie équilibrée de développement, au moment où le Chablais entre dans une période de dynamisme économique et démographique. Le Chablais français n’est pas concerné par les PA, mais les politiques s’attachent à l’inclure dans leurs réflexions. Le projet de réouverture de la ligne du Sud Léman en est un exemple emblématique.
La prise en compte individuelle des mutations à opérer pour continuer de vivre dans un environnement le plus agréable possible n’est pas forcément évidente, mais nous allons devoir nous adapter, il en va de notre avenir. Nous devons tous réfléchir à nos habitudes, et voir celles que nous pouvons modifier pour que toute la collectivité fonctionne mieux. Que veut dire la liberté individuelle si, en faisant une chose X un individu en entrave des dizaines ou des centaines à vivre correctement ? L’argent ne peut tout. Il y a quelques années, les autorités d’une commune du canton, non loin de Genève, avaient limité l’usage de l’eau en été. Une dame aisée voulait pouvoir arroser son jardin librement, et a proposé d’acheter l’eau dont elle avait besoin. Les autorités avaient bien sûr refusé en raison de la situation critique, mais la dame n’arrivait toujours pas à comprendre que son argent ne servait à rien : il n’y avait simplement plus d’eau ! Penser au collectif et aux solidarités qui peuvent s’organiser semble essentiel pour les années à venir. Le projet d’agglomération 5, déposé à Berne fin juin, s’inscrit dans cette logique. Aurélie Fiorucci et sa collègue Mathilde Ley restent confiantes quant à la réponse des autorités bernoises : « Les PA3 et 4 ont été très bien notés. Notre nouvelle proposition s’ancre dans le territoire, elle prend en compte ses préoccupations, ses aspirations et la concertation a été très fructueuse ». Réception du rapport d’examen de la Confédération à l’été 2026 !
- Photos : Chablais Région