Le tétras lyre voit ses aires de répartition diminuer à cause, entre autres, de l’expansion de l’aulne vert (ou verne), un arbuste néfaste pour la biodiversité alpine. Pour venir en aide à ce petit coq des bruyères, l’Association Alpine Tetrao Tetrix (AATT) réalise des actions dans les alpages en mettant à l’ouvrage des bénévoles, mais aussi des chèvres et des bovins, pour éliminer l’aulne vert des aires de reproduction de cet oiseau, ou tout du moins réduire sa propagation.
L’aulne vert
L’aulne vert est un arbuste envahissant qui se répand sur les flancs de montagnes ombragées. Suite aux changements structurels dans l’économie agricole et alpestre, de nombreuses terres agricoles alpines ne sont plus exploitées, ou exploitées de manière insuffisante. Cet « abandon » des alpages a favorisé l’expansion de l’aulne vert. Selon un article de Prométerre (sources : une étude réalisée en 2017 par AgroCleanTech Verein), en Suisse, l’on dénombre 48’500 ha de surface montagnarde envahie par cette plante qui continue de s’étendre à une vitesse d’environ 1’000 ha par an. « Même coupée, elle repousse en permanence. En prime, elle acidifie le sol, empêche les sapins ou encore les orchidées sauvages de s’implanter. En résumé, les plantes typiques des étages supra-forestiers ne poussent plus (myrtilliers, rhododendrons, etc.) et toute la biodiversité associée au milieux subalpins est impactée. Elle diminue ainsi drastiquement la nourriture dont a besoin le tétras lyre », explique Manue Piachaud, responsable de l’AATT.
L’AATT
En Suisse, plusieurs projets d’entretien des milieux ont été réalisés depuis les années 90, notamment par les chasseurs qui, en prime, estiment la population de tétras lyre grâce au comptage des femelles et des jeunes réalisés avec des chiens d’arrêt. Mais pour venir à bout de l’aulne vert, tout du moins pour le condenser de manière durable, il faut des fonds. C’est la raison qui a poussé un groupe de chasseurs à fonder l’AATT en 2023. Sa mission : encourager des projets d’abroutissement de l’aulne vert par des chèvres et d’autres ruminants locaux ainsi que d’assurer la coexistence entre la faune sauvage et le bétail dans la zone subalpine. L’association cherche aussi à recenser les projets qui ont été développés pour lutter contre l’aulne vert en Suisse afin de faire un bilan de ce qui est le plus efficace contre cet arbuste qui envahit les Alpes. Elle vise à réunir les différents groupes d’acteurs actifs pour travailler en commun sur des projets de conservation du tétras-lyre et de ses biotopes.
Deux axes : l’abroutissement et la coupe
L’AATT œuvre sur deux axes. Le premier est l’abroutissement. Il faut environ cinq ans pour nettoyer une zone avec des ruminants. Cela débute par l’abroutissement de l’aulne vert par les chèvres qui mangent tout d’abord les feuilles avant de s’attaquer à l’écorce. Pour atteindre un résultat optimal, il faut compter trois ans. Reste ensuite les troncs morts. Pour ces derniers, ce sont les bovins qui interviennent. En marchant sur l’aulne vert, ils vont casser les troncs pourris, et ils permettent également de retarder ou de diminuer la repousse.
Pour cette réalisation, l’association doit trouver des propriétaires et des exploitants d’alpages désireux de s’associer au projet. Elle trouve ensuite les chèvres et, avec l’aide de bénévoles, montent et démontent les clôtures durant la période d’estivage. Le producteur doit entretenir les clôtures, mais aussi s’occuper des chèvres. « Certains les reprennent par la suite afin de poursuivre le travail », se réjouit Manue Piachaud.
Pour évaluer les meilleures solutions de lutte contre l’aulne vert, l’AATT collabore avec Proconseil et Agroscope ; un projet soutenu en partie par le canton de Vaud. Cela mène à un deuxième axe sur lequel l’AATT travaille : la coupe de l’aulne vert par des bûcherons. Cette méthode sert à gagner du temps. La plante est coupée et les tas sont ensuite, soit brûlés, soit laissés sur les alpages, favorisant ainsi la micro faune, mais également le tétras lyre. Ces tas demandent beaucoup de bras et l’aide de bénévoles est crucial. Interviennent ensuite les ruminants.
En somme, il s’agit d’un travail conséquent qui réunit des propriétaires et exploitants d’alpages, des forestiers, des chevriers et des chasseurs.
Actions en 2024
Cette année, des actions ont été réalisées sur six alpages. Arpille, Pillon et Lagots, avec des chèvres uniquement, et Bovonne, Conche et Grand Clé, avec des chèvres, des génisses et des coupes (tests de mesures pour réguler l’aulne vert en collaboration avec Proconseil et Agroscope). Au total, plus de 50 bénévoles ont œuvré pour entasser l’aulne vert coupé et réaliser des parcs pour les chèvres. Ils ont travaillé durant 132 jours. Côté chèvres, elles étaient 53 à travailler activement sur les alpages. Le projet a débuté sur l’alpage de l’Arpille en 2021. « Les aulnes sont effeuillés et très bien écorcés sur ces zones. Il faut dorénavant intervenir avec des bovins », annonce Manue Piachaud. Au total, ces six pâturages couvrent une zone de 10 hectares ; soit la volonté initiale de l’AATT. Mais l’objectif est de répandre ces pratiques de régulation de l’aulne vert. L’association recherche donc activement des bénévoles pour poursuivre son œuvre. Les gros travaux se déroulent de juin à septembre.
Informations
projetfaune.com/aatt
manuepiachaud@gmail.com
- Photos : Manue Piachaud