Originaire de Lausanne, Michel Goy est né de la rencontre d’un Jurassien et d’une Danoise en 1965. Cadet d’une fratrie de deux garçons, il se souvient d’une enfance douce entre les Préalpes suisses et les étendues danoises. Depuis 2014, il est installé en tant que charpentier et importateur de vins à Aigle.
Les premières amours de Michel Goy se portent vers la musique. Sa mère jouait du piano, les œuvres classiques font partie de son environnement dès son plus jeune âge. Il choisit de jouer du violon-alto et entre au conservatoire de Lausanne. À la suite de ses études, il entreprend une carrière de musicien pendant quelques années, notamment pour des productions jouées à l’Opéra de Lausanne. Aujourd’hui encore, le musicien conserve des souvenirs vifs de « Pelléas et Mélisande » de Debussy, « La damnation de Faust » de Berlioz, ou « Aïda » de Verdi. En parallèle, l’altiste se passionne pour l’escalade : être à l’air libre au contact de la nature lui convient bien. Il envisage même de devenir guide de montagne et s’engage dans cette voie, mais son niveau de ski n’est pas suffisant. La pratique d’un instrument requiert une attention cérébrale élevée, mais également une agilité manuelle. Michel aime le contact de l’instrument, de même que le processus de transformation de ses gestes en mélodies.
Une intelligence manuelle avide
Lorsqu’il a vingt-huit ans, Michel Goy décide de changer de cap. Attiré par les métiers de la bouche, il décroche un CFC de cuisinier, et commence une nouvelle vie en tant que restaurateur dans la Broye à Surpierre, puis à Panex-sur-Ollon. La magie de la transformation des aliments en délicieux plats le fascine : « La capacité des êtres humains à imaginer un résultat élaboré à partir d’une matière brute est juste incroyable », dit-il les yeux pétillants. Avant de devenir restaurateur, Michel Goy avait rencontré les vins, et particulièrement ceux de Bourgogne. Afin de pouvoir les déguster et les proposer sur sa carte à des prix raisonnables, le chef devient aussi importateur de vins, une activité qu’il conserve encore aujourd’hui. Depuis près de trente ans, il tisse des liens avec les vignerons dont il apprécie les vins. Il connaît leur histoire et leur savoir-faire. Il sait parler de l’homme ou de la femme dont l’âme est dans la bouteille qu’il débouche. Les relations humaines profondes le nourrissent.
L’ivresse des sens
Goût, odorat, toucher et vue, sens mis à contribution par l’intelligence manuelle, et que Michel Goy sollicite avec plaisir lors de dégustation de vins, s’avèrent essentiels pour le métier de charpentier qu’il exerce depuis une quinzaine d’années : « Comme avec la musique, après vingt ans derrière les fourneaux, j’avais envie de changement. Cela s’est fait en deux étapes. D’abord, j’ai remis « Le Resto de Panex », mais je ne pouvais pas rester inactif, car je devais subvenir aux besoins d’une famille avec deux enfants. Je suis allé voir Robert Wehren, charpentier à La Barboleuse et bon client du restaurant, pour lui demander s’il n’avait pas un travail de manœuvre. Pendant trois mois, avant de commencer comme cuisinier pour l’école à la montagne de Lausanne, j’ai plongé dans l’univers du bois. Trois ans plus tard, en 2012, je commençais le CFC de charpentier à 48 ans. Le fils de Robert, Étienne, avait repris l’entreprise et, malgré mon statut d’apprenti, il me payait comme un manœuvre, et je lui en suis encore très reconnaissant ». Son diplôme en poche, Michel Goy se met tout de suite à son compte : « Le temps est ce que nous avons de plus précieux. Dans la restauration, j’ai travaillé énormément. Je voulais être plus libre et pouvoir m’organiser ». Comme pour la musique ou la nourriture, la transformation de la matière bois est un aspect essentiel pour le charpentier. Il plonge dans ses senteurs, aime son contact, et observe avec bonheur son processus de transformation. Son travail s’incarne en trois étapes : « Imaginer, concevoir et réaliser », pour lesquelles il faut rester très concentré, notamment en raison des mesures !
Un bel équilibre
Michel Goy est un homme serein. Ses deux activités de charpentier et d’importateur de vins lui permettent de vivre en accord avec ses valeurs. « Au départ, mes clients “bois“ étaient des amis et des connaissances, puis le bouche-à-oreille a fait son travail. J’ai un site internet, mais en réalité, très peu de personnes me contactent par son intermédiaire. Cela me convient, j’établis des relations de confiance. Je sais pour qui je travaille. La relation humaine reste très importante à mes yeux ». La création et l’entretien de son potager lui tiennent aussi à cœur : « Cela me permet de manger sainement, de cultiver le lien avec la Terre tout en participant à un fabuleux processus de transformation ». Encore jeune homme, Michel Goy découvre le Québec, son pays coup de cœur. Il y a récemment acheté un petit terrain sur lequel une maison en bois, la plus écologique possible, a poussé l’année dernière. « Je voulais privilégier les matériaux naturels et les circuits courts, mais ce n’était pas simple. Au Québec, la population n’est pas sensibilisée à ces sujets comme chez nous. C’est un lieu calme dans un espace à l’échelle gigantesque. Les forêts boréales qui poussent sur le granit sont très différentes de chez nous. Il y a des loups, des ours, des orignaux, c’est merveilleux. Je me passionne pour l’histoire des peuples autochtones, notamment dans leur rapport à la nature ».
Michel Goy est un homme attachant dont le parcours atypique démontre la capacité des êtres humains à s’adapter et à utiliser leur intelligence manuelle de manière enrichissante. À l’heure où l’intelligence artificielle nous inquiète, il est bon de rencontrer des êtres incarnés dans leur humanité qui nous encouragent à la cultiver en chacun de nous pour nous nourrir et entrer en lien avec les autres.
- Photos : N. de Santignac
