Au cœur de la nature des Plans-sur-Bex, la rédaction du Point Chablais a fait une magnifique rencontre malgré le ciel gris, avec la peintre autodidacte, ou coloriste comme elle se décrit, Irène Thévenaz. Portrait d’une artiste touchante, tant dans son art que par sa personnalité.
Chaque personne est un monde unique en soi. Un lieu sans frontière constitué d’expériences, de souvenirs, de joies, de peines. Irène Thévenaz nous a ouvert les portes de son monde ; une heure hors du temps, des contraintes et autres obligations, une heure d’un voyage exquis.
De nombreuses aventures
L’un de ses premiers mots va pour son défunt mari avec qui elle a vécu de nombreuses aventures qui l’ont amenée à jouer du pinceau. Une activité qu’elle rêvait de pratiquer déjà enfant. « Mais à mon époque, ce n’était pas un vrai métier. Mes parents ayant refusé que j’intègre l’école des Beaux-Arts, je me suis dirigée vers la coiffure », confie-t-elle. Originaire de Zürich, son CFC en poche, Irène Thévenaz désirait quitter le cocon familial pour apprendre le français en Suisse romande. « J’ai ouvert le journal de coiffure et j’ai pointé du doigt, à l’aveugle, une page. C’est ainsi que je me suis retrouvée à Sainte-Croix ; un trou ! ».
Ce coup de poker lui a permis de rencontrer son mari qui a travaillé une grande partie de sa vie en tant qu’éducateur spécialisé ; il est notamment le fondateur de la Plate-Forme Jeunesse à Bex (association à but non lucratif, qui œuvre pour l ’insertion des jeunes dans le monde du travail). Ensemble, ils ont beaucoup voyagé, mais aussi œuvré pour la jeunesse. Au début des années 80, ils ont déposé leur bagage aux Plans-sur-Bex, un autre trou, comme dirait l’artiste. Mais cette nature luxuriante à portée de main, mêlée à son rêve d’enfant, fut sans doute le dénominateur commun pour Irène Thévenaz qui a finalement décidé de prendre des cours de peinture à Vevey, auprès de Renée Ducrey-Elster. « Nous touchions à tout et j’ai beaucoup évolué. » Les deux femmes ont même tenu durant quelques années un atelier d’expression artistique à Monthey et dans lequel elles initiaient à la peinture des jeunes de la Plate-Forme Jeunesse. « Nous encadrions jusqu’à huit adolescents chaque semaine. »
Un art qui fait voyager
Différentes techniques, différents médiums découverts, mais son coup de cœur va à la peinture à l’huile. « Je crée moi-même mes couleurs, principalement à base d’huile de lin, de térébenthine et de pigments. J’emploie aussi du goudron, du plâtre et aussi du jaune d’œuf. Ce dernier donne de la profondeur, tandis que l’huile apporte de la puissance », explique Irène Thévenaz.
De son petit atelier situé à côté de sa maison, avec une vue de carte postale sur la nature, elle peint des tableaux très colorés en écoutant du blues ou du jazz. Des lignes, des courbes parfois, des reliefs d’autres fois. Sur toile, papier ou bois, avec des pinceaux, des spatules. Chaque œuvre est comme son auteur : tout un monde. De l’art abstrait pourrions-nous dire. Mais un abstrait empreint de réalisme. Nous y retrouvons des paysages, un bord de plage, un ciel nuageux, une forêt, deux amants qui se retrouvent. Il y a de l’harmonie dans les couleurs, dans les traits. « Tout est abstrait dans la vie, nous n’avons rien inventé. Prenez l’écorce d’un arbre ou regardez à travers un téléobjectif », souligne Irène Thévenaz. Ses tableaux sont des impressions ressenties aux détours de balades. « Je prends des photos mentales que je retranscris ensuite à ma manière. »
Des petits formats aux grands triptyques, son art est vivant, des explosions de couleurs, de la dynamique, de la joie, de la tristesse, de la dureté, mais aussi de la douceur, de l’émotion. En somme, il s’agit d’un prolongement de la propre personnalité de la Bellerine qui croque la vie à pleines dents et qui aime les choses simples : la peinture, la nature, bien manger et une bonne bouteille de vin.
Irène Thévenaz compte une vingtaine d’expositions à son actif ; la dernière s’est tenue à Genève au mois de mai. « Tous mes tableaux sont d’abord pendus chez moi avant d’être exposés », explique la peintre. Et pour elle, pas question de se vendre. « J’ai tout dit dans mes œuvres, je n’aime pas les expliquer, il suffit de les interpréter avec votre propre imagination. »
Près de trente ans qu’Irène Thévenaz s’exprime à travers l’art. « Ça m’a sauvé. A la mort de mon fils, en l’an 2000, j’ai ainsi exprimé ma rage ; des œuvres sombres que je n’ai jamais exposées. Mon mari n’a malheureusement jamais surmonté sa douleur, ça a fini par le tuer. » Alors la Bellerine peint. Elle peint ses sentiments, sa joie, son amour débordant pour la vie, mais aussi en souvenir de ses bien-aimés partis trop tôt.
- Photos : Marc Da Silva – Image-In-R