Quand un éleveur de bétail se reconvertit dans le végétal, ça offre à la commune de Bex une seconde chance avec une boulangerie installée sur la place du Marché tous les lundis et les jeudis de 8 à 12 heures. Son nom : Aux Pains Sans Peines.
Ces dernières décennies, les commerçants qui ferment leurs portes sont nombreux. Plus récemment, et coup sur coup, les deux boulangeries de Bex cessent leur activité au grand désarroi de la population. Un cri déchirant et une prière exaucée presque immédiatement. En effet, Valérie et Stéphane Baud ont sauté sur l’occasion. Un coup de chance ? Peut-être était-ce écrit. Dans tous les cas, il semblerait que les étoiles étaient alignées.
De l’élevage au végétal
L’histoire qui suit n’est pas commune. Stéphane Baud suit en premier lieu un apprentissage de boulanger au Fournil à Aigle. Mais coup de malchance, il se découvre une allergie à la farine ! Le comble du boulanger. L’Aiglon d’origine, installé à Corbeyrier, se réoriente et entame une nouvelle carrière en tant qu’ouvrier d’usine. Les horaires flexibles lui permettent de lancer, avec son épouse, Valérie, un élevage de bétail à Corbeyrier. A eux deux, ils créent une ferme autosuffisante qui perdure durant quinze ans. Mais pour prendre soin de ses vaches, il faut les aimer. Ça fonctionne un temps, mais, au final, Stéphane Baud s’attache tellement à ses bêtes qu’il ne peut plus se résoudre à les abattre. « Même si ça se faisait dans les meilleures conditions possibles pour les vaches, je n’en étais plus capable », confie-t-il.
Un boulanger allergique à la farine. Un éleveur de bétail incapable d’emmener ses bêtes à l’abattage… Ça prête à sourire. Disons que ça n’arrive pas souvent ! Changement de cap radical pour le couple qui décide de ne plus consommer d’animaux, mais aussi de se reconvertir professionnellement. Stéphane Baud désire revenir à ses origines, la boulangerie. « Avec ma femme, nous avons trouvé que ça n’avait pas de sens de commercialiser des produits de boulangerie traditionnels. Il nous fallait faire une activité en lien avec nos nouvelles valeurs. C’est pourquoi nous sommes partis dans le domaine végétal. Un terme qui fait d’ailleurs moins peur que végan. Nous ne sommes pas dans le jugement des autres, au contraire, nous sommes ouverts à la discussion et, finalement, nous proposons simplement une alternative », explique Stéphane Baud.
Le début d’une nouvelle aventure
En octobre 2022 naît la boulangerie Aux Pains sans Peines. « Nous favorisons le bio et le local. Ainsi, nos farines bios, que d’ailleurs je supporte (!), proviennent de chez Marius Martin à Aigle et Max Knecht à Vouvry, et la graisse employée est sans huile de palme », précise le boulanger. Pour vendre ses produits, deux méthodes : en ligne, via un site internet, et auprès de distributeurs. Pour la région, relevons : Association Co&xister (Frenières), Heidi’s Guesthouse (Frenières), QAP (Aigle), Les Légumes Sociaux (Yvorne) ou encore La Pomme d’Api (Monthey). « Au départ, nous étions dans l’expérimental. Il n’existe pas vraiment de recettes, mais seulement une base qu’il faut adapter. »
Après une demande fructueuse de crowdfunding, avec une récolte de 20’000 francs, le couple achète un foodtruck en octobre 2023. Ce dernier sera prochainement customisé. C’est la commune de Bex que le couple choisit pour débuter l’aventure avec son nouveau foodtruck. Un véritable coup de chance pour la population qui s’est précipitée lors de son premier arrêt, le jeudi 14 mars. A l’ouverture, ça se bousculait déjà et à 10h30 les paniers étaient vides ! Mais le camion est resté sur place jusqu’à midi pour donner des explications aux passants et les inviter à revenir la semaine suivante. D’ailleurs, Stéphane Baud, qui devait laisser sa femme gérer la vente pour retourner à sa farine, n’arrivait pas à quitter les lieux, trop heureux de pouvoir discuter avec les clients. « J’aime cette dynamique, ces échanges », indique-t-il.
Pour l’heure, le foodtruck sera de passage à Bex chaque jeudi matin. Selon le succès, un ou deux jours supplémentaires pourraient être ajoutés. Et, dans un avenir proche, d’autres villes vont très certainement être ajoutées à la tournée.
Des vaches qui coulent des jours heureux
Et les vaches alors… que sont-elles devenues ? Pour sa reconversion professionnelle, le couple a fait appel à l’association Co&xister à Frenières, un sanctuaire pour les animaux, mais également un soutien de taille pour les personnes dont la pratique professionnelle est basée sur l’exploitation animale et qui désirent changer de métier. « En proposant un soutien moral, logistique et financier, nous co-créons ensemble un projet de réorientation réaliste et réjouissant, dans une optique éthique et écologique », informe l’association.
Réglisse, la dernière vache du couple est morte naturellement au pré. « Avant son dernier souffle, je lui ai fait la promesse de ne plus jamais reprendre de vache. Dorénavant, elle nous accompagne, elle figure en grand sur notre camion. Tandis que Maya et Hippie, la fille et la petite-fille de Réglisse, ont été placées à Co&xister. Nous les visitons régulièrement. Parallèlement, nous parrainons deux veaux, Cosmique et Bercosma ; une partie des bénéfices de la vente des « Etats de choc », entendez par là pains au chocolat, sert à ce parrainage », conclut le boulanger.
En voici une belle histoire qui se termine bien, et pour les vaches du couple, et pour les habitants de la cité du sel qui ne manquent pas de faire l’éloge de la boulangerie itinérante sur les réseaux sociaux.
Informations
- Photos : Zoé Gallarotti