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Où finissent nos déchets ?

Le mois dernier, les déchetteries d’Aigle et de Bex ont distribué une affichette indiquant les matières incinérables non recyclables qui doivent être jetées dans les sacs taxés. Parmi elles : le plastique ou encore le petit mobilier de moins de 60 cm. Cette information a suscité une certaine incompréhension, voire colère de la population.

 

Déchets
Déchets

 

Une histoire de déchets

Selon le Dictionnaire Historique de la Suisse (DHS), à l’époque préindustrielle, les matières fécales et les ordures ménagères finissaient dans des fosses, garnies, dans les villes médiévales, de claies d’osier, de palissades, de parpaings, de palées ou de parois en pierres ou en briques et rendues partiellement étanches à l’aide de glaise. Une fois composté, le contenu de ces fosses était enlevé à la fourche ou puisé. On recouvrait ensuite de paille les « rues punaises » qui séparaient les maisons pour lier les excréments en fumier.

 

L’élimination des déchets n’est pas un problème actuel. Les techniques et pratiques ont évolué à travers les siècles. Ainsi, de nombreux déchets ont terminé – et terminent encore aujourd’hui – leur course dans les rivières et mers. D’autres sont enfouis sous terre et oubliés depuis longtemps. À Bex, par exemple, une large zone se situant derrière l’aérodrome est une fosse de déchets non toxiques sur laquelle la nature s’est depuis développée.

 

Le véritable défi de ces dernières décennies est la valorisation des déchets qui sont de plus en plus nombreux. Nous sommes bien loin des recettes de grands-mères qui donnent une seconde vie aux restes alimentaires. Nous vivons une époque de surconsommation. À titre d’exemple, tout au long du processus de création de valeur, du champ à l’assiette, plus de 2,5 millions de tonnes de déchets alimentaires sont jetés chaque année en Suisse. Il est possible d’éviter 70% de ces déchets. Ce gaspillage alimentaire n’est pas simplement une préoccupation éthique, mais constitue un sérieux problème écologique compte tenu de l’impact environnemental considérable de la production de denrées alimentaires.

 

La Suisse est le troisième pays européen qui produit chaque année le plus de déchets, derrière le Danemark et la Norvège avec plus de 700 kilos par habitant. Une quantité qui a doublé en seulement trente ans. Le coût annuel total pour leur élimination s’élève à plus de 3 milliards de francs. Ajoutons à cela le littering (l’abandon des déchets sur la voie publique) qui engendre un coût de 200 millions. Et malgré un taux de recyclage légèrement inférieur à 60%, le nombre de déchets qui finissent incinérés reste grand.

 

Pollueur-payeur

La Suisse finance l’élimination des déchets selon le principe du pollueur-payeur – aussi appelé « principe de causalité » : quiconque produit des déchets doit aussi payer pour leur élimination. La taxe au sac est ainsi entrée en vigueur. Le système a mis un peu moins de trente ans avant de s’étendre à l’échelle nationale. Du côté de Bex, cette taxe existe depuis 2006, quant à Aigle elle date de 1996.

 

Globalement, la quantité de déchets combustibles recule d’environ 30% avec ce système. Cette influence n’est pas uniquement due à cette taxe, mais également au développement de points de collecte et de sensibilisation. Toutefois, un grand travail est encore à faire auprès de la population. En effet, certains sont prêts à tout pour ne pas se conformer aux règles, comme jeter les déchets dans des décharges d’autres pays ou même dans les poubelles communales. « D’ailleurs, ces poubelles ont été transformées avec le temps afin d’éviter ce type de pratique : l’espace pour y déposer les déchets est réduit au minimum », explique le municipal bellerin, Pierre-Yves Rapaz. La poubelle d’Eugène a donc bien évolué ! Il y a également ceux qui utilisent des sacs non réglementés en prenant soin d’ôter tout indice pouvant les faire repérer. « Dès que nous dépassons 5% de sacs non taxés, nous avons des frais à payer. Cet argent perdu est alors en partie récupéré avec des amendes. »

 

Si depuis quelques années la taxe au sac reste inchangée, la taxe fixe, elle, se verra modifiée. Les Bellerins de plus de 18 ans devront payer 150 francs par an. En contrepartie, les charges de leur habitation se verront diminuées, car les propriétaires n’auront plus à payer le 0.35‰ de la valeur de leur bâtiment. « Cette modification est en attente de validation cantonale ; elle devrait être effective dès la fin de l’année. »

 

Déchets
Déchets

 

Le plastique 

Nous y voilà… De nombreuses questions se posent concernant les matières recyclables. Commençons par le plastique, qui met entre 100 et 1’000 ans à se dégrader dans la nature. Si, sur le papier, – sans mauvais jeu de mot – le plastique est recyclable, la réalité est somme toute différente. De nombreux emballages ressemblant à du plastique ne sont en réalité pas recyclables. À Bex, à Aigle, ou même ailleurs, cette matière finit donc brûlée. Et c’est loin d’être nouveau. « À l’époque, certaines entreprises rachetaient le plastique et le rejetaient sur des îles ou dans des océans en Asie », précise Pierre-Yves Rapaz. Par chez nous, le plastique ce n’est pas si fantastique que ça. Il est toutefois bon de relever que si la Suisse romande est mauvaise élève concernant le recyclage du plastique, ce n’est pas le cas de la Suisse alémanique qui le recycle et l’utilise pour remplacer du plastique neuf ou même du charbon : des matériaux qui doivent souvent être importés en Suisse depuis l’autre bout du monde. Une fois transformé, le plastique peut également servir à la construction de palettes, tuyaux, emballages de transport, films plastiques, caisses, sculptures ou sacs… rien que ça !

 

Toutefois, selon une récente étude (KuRVe), les collectes mélangées de plastiques des ménages (hormis le PET), présentent une écoefficacité faible. À ce propos, Corinne Cipolla, responsable communication à la Satom, nous indique que : « La valorisation thermique des plastiques mélangés non recyclables, via les usines telles que la nôtre, reste donc actuellement la meilleure filière. Nous nous sommes tout de même associés à l’EPFL ainsi qu’à d’autres écoles afin d’élaborer un outil d’aide à la décision pour la valorisation des déchets plastiques. En attendant les résultats de cette étude, l’entreprise valorise les déchets, dont le plastique, à travers son réseau de chauffage à distance, qui permet d’éviter la consommation de mazout. Son projet de conduite vapeur avec le site chimique de Monthey, qui devrait démarrer cet automne, permettra quant à lui une économie de consommation de gaz équivalant à 52’000 tonnes de CO2 évitées. Par ce biais, le plastique se substitue très efficacement aux combustibles fossiles, sans coûts de collecte et de transformation supplémentaires. »

 

Qui dit plastique, dit aussi PET. Pour le coup, cette matière est recyclée. Mais le sera-t-elle encore longtemps ? Le municipal bellerin peine à y croire : « Environ 30% des bouteilles déposées dans les containers à PET sont non recyclables, comme l’huile, le lait ou encore la lessive. Nous allons prochainement installer des panneaux pour rappeler les règles. Mais si ces débordements persistent, il se peut que ces collecteurs soient retirés. » Notons au passage que l’année dernière, ce sont plus de 38’000 tonnes de bouteilles PET qui ont été recyclées en Suisse. Du côté d’Aigle, le PET n’est valorisé qu’en partie. « Depuis le 1er août, seule la déchetterie communale récupère ce matériau. Nous invitons d’ailleurs la population à ramener son PET dans les magasins où ces bouteilles ont été achetées », précise le municipal, Jean-Luc Duroux.

Le compost 

En voilà une matière qui fait beaucoup parler d’elle ! Alors que certains disent que les déchets verts sont valorisés, d’autres prétendent qu’ils sont brûlés. Il y a de la vérité dans ces deux affirmations. En effet, à Bex, le compost récolté dans les poubelles vertes est brûlé à la Satom depuis plus de dix ans en raison d’un problème de qualité. En revanche, la commune compte plusieurs grands containers ouverts dont le contenu est recyclé. « Nous rencontrons beaucoup moins de problèmes avec ces containers. Il est bon de rappeler que si le compost contient plus de 0.1% de plastique, il ne peut plus être valorisé. » Et il n’est malheureusement pas rare de trouver du plastique. Pour information, pour les déchets alimentaires, seuls les sacs avec mention « OK compost » peuvent être employés. Du côté d’Aigle, le compost est quant à lui entièrement récupéré par une société privée. Il est ensuite employé en agriculture et en viticulture ou offert à la population aiglonne qui en a besoin.

Les déchets verts de la commune de Bex sont acheminés sur le site de méthanisation de Villeneuve qui a été repris par la Satom en 2007. Ils sont ensuite valorisés par la production de biogaz (utile à la production d’électricité ou de chaleur pour le chauffage à distance) et d’engrais (utile à l’agriculture). L’année dernière, la cité du sel a valorisé plus de 1’000 tonnes de compost sur un total de 12’000 tonnes pour les communes vaudoises actionnaires.

 

En 2011, la Satom a mis en place un système de collecte des restes d’aliments du nom de GastroVert auprès des cuisines professionnelles. En 2018, ce système s’est étendu auprès des ménages privés. Actuellement, 24 communes ont adhéré à ce système. Il s’agit de bacs de collectes de couleur brune qui se déverrouillent avec une carte d’accès. GastroVert est une alternative et un complément au compost individuel. En effet, de nombreux déchets tels que les restes d’aliments cuits, les petits os ou encore certaines épluchures ne sont pas compatibles avec le compostage de jardin. Ce système sera effectif d’ici l’année prochaine sur la commune de Bex et déjà cet automne à Aigle. « Nous allons envoyer un dépliant à tous les Aiglons afin de les informer quant aux us et coutumes du tri ainsi que pour leur expliquer le concept de GastroVert », annonce Jean-Luc Duroux.

 

Les autres matières

Bien que le plastique, le PET ou encore le compost représentent une part importante des déchets recyclés, la liste est encore longue. Environ 12’000 tonnes par an pour les emballages en aluminium, dont les canettes, par exemple. Il faut savoir qu’une tonne d’emballages en aluminium triée permet de fabriquer 530 trottinettes. Concernant le verre : le taux de récupération de ce dernier est de 94% en Suisse. La quantité d’énergie économisée grâce à ce recyclage est de 25%. N’oublions pas le roi… le papier : plus d’un million de tonnes recyclé chaque année dans notre pays. 25 millions d’arbres sont épargnés grâce à cela. Toutefois, la valorisation du papier n’est plus ce qu’elle était. « À l’époque, pour l’élimination du papier, nous recevions de l’argent, 40 francs la tonne. Aujourd’hui on doit payer 40 francs la tonne », explique Pierre-Yves Rapaz.

 

Sensibilisation

Trier c’est bien. Consommer moins c’est mieux ! Mais pour bien trier, il faut aussi sensibiliser la population, à commencer par les enfants. Ainsi, durant l’année scolaire 2018/2019, une animatrice pédagogique de la Satom a visité 322 classes de la 1H à la 8h, sensibilisant ainsi 7’084 élèves par le biais de sept programmes scolaires. 14 classes de 7H et 8H ainsi que deux groupes de passeport-vacances ont également participé à une visite de l’usine de Monthey. « Une manière de leur faire connaître le parcours de valorisation des déchets ainsi que les activités essentielles qui en sont issues », indique le dernier rapport annuel de l’entreprise. Les adultes ne sont pas en reste puisque, l’an dernier, 200 personnes ont également visité l’usine de Monthey et/ou celle de Villeneuve.

 

Conclusion

Revenons au cœur du sujet indiqué dans le chapeau de cet article : cette affiche comportant les matières incinérables qui doivent être déposées dans les sacs taxés. Bien que certains éléments puissent être choquants, comme le plastique, ce n’est pas nouveau. Est-il réellement avantageux de se déplacer à la déchetterie pour l’y déposer ? Pierre-Yves Rapaz répond : « Pour aller à la déchetterie il faut prendre son véhicule. On perd de l’essence et du temps. Un sac à 1.95.- est vite amorti… »

 

Le tri ne cesse d’évoluer, mais surtout de s’adapter aux besoins de la population. Quel avenir a le tri ? Que deviendra-t-il dans cinquante ans ou plus ? « Nous parlons beaucoup de diminution des emballages. Dans cinquante ans, nous reviendrons peut-être à des systèmes plus anciens. Nous achèterons nos aliments en vrac que nous emporterons dans nos propres emballages. Le système parfait serait que nous puissions recycler nous-mêmes nos propres déchets », conclut le municipal bellerin.

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Article écrit par

Zoé Gallarotti

Zoé Gallarotti

Rédactrice en chef

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