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Pas de subventions pour les vaches à cornes

Le peuple a refusé de subventionner les vaches à cornes lors des dernières votations. Mais que pensent les éleveurs de cette initiative et que sous-entend réellement l’écornage des vaches ?

 

 

Avec ou sans cornes ?

Aujourd’hui on accuse les vaches cornées d’être plus agressives et de causer des accidents. «Environ 85% des bovins sont détenus en stabulation libre. Ils ne sont plus entravés comme autrefois dans des écuries chaudes et nourris de paille. Les vaches sont libres et elles se font du mal entre elles, comme les bovins se font du mal à l’état sauvage», expliquait un vétérinaire dans un article paru dans différents médias. Pourtant, beaucoup ne partagent pas cette hypothèse et estiment que dans les stabulations libres respectant les besoins des vaches à cornes, les blessures sont rares.

 

La majorité des vaches sont donc aujourd’hui sans cornes. Pourtant cela n’a pas toujours été le cas. Cette manière de faire est récente. L’élevage a existé pendant des millénaires sans couper les cornes des vaches. On se demande vraiment comment, au long des siècles passés nos ancêtres ont pu survivre aux coups de cornes de leurs vaches ?

 

Alors… Pour ou contre l’écornage ? Une question qui divise. Essayons de mieux comprendre nos chères têtes cornées. Tout d’abord, il est nécessaire de préciser que l’écornage d’animaux adultes est interdit en Suisse. Les vétérinaires assurent que l’écornage d’un jeune veau n’est pas douloureux, mais peut-on en être réellement sûr ? Et qu’en est-il des adultes ? Certains pensent qu’une vache écornée souffrirait ou même produirait moins de lait.

 

La corne est un organe

Quant aux cornes, à quoi servent-elles ? Elles sont l’expression de la biographie de l’animal ainsi qu’un des moyens pour ce dernier d’être perçu par les autres tel qu’il est. Elles jouent donc une fonction sociale importante. En effet, chaque position des cornes exprime un signal à l’égard des congénères leur permettant d’éviter des affrontements directs et de reconnaître la hiérarchie à distance. D’un point de vue anatomique, le cornillon est un os innervé, irrigué par des vaisseaux sanguins, complètement soudé au crâne; ses cavités communiquent avec les sinus frontaux et nasaux. La corne est chaude, sensible au toucher et donc vivante. Elle joue également un rôle sur la digestion. Finalement, des scientifiques ont montré que les cornes permettent aux vaches vivant dans les zones de climat tropical de réguler leur température corporelle.

 

L’écornage, un acte barbare ?

Alors que la Confédération assure que l’écornage des vaches est sans douleur, des études prouvent le contraire. Plusieurs d’entre-elles démontrent que cet acte, au même titre que la castration, provoque stress et douleur.

 

Une anesthésie locale avant l’écornage des veaux permet de réduire significativement la sensation de douleur et ce, quel que soit la méthode utilisée (par brûlure au moyen d’un fer chaud ou d’un produit corrosif ou encore par ablation). Il a toutefois été constaté que le taux de cortisol des animaux dont les cornillons avaient été coupés au moyen d’une pince à écorner augmentait de façon identique après disparition de l’effet de l’anesthésique à celui des animaux qui n’avaient pas subi d’anesthésie. Le moyen le moins douloureux serait donc la brûlure au moyen d’un fer chaud après une sédation et une anesthésie locale.

 

Cela étant, cette pratique n’est pas sans danger pour les veaux qui peuvent alors développer une hypersensibilité aiguë et chronique et ce, même avec une anesthésie. C’est tout du moins ce qu’annonce une étude de la faculté Vetsuisse de l’Université de Berne. Cette dernière a été réalisée dernièrement sur 34 veaux. Les effets de l’écornage ont été analysés sur plusieurs semaines et montrent qu’ils peuvent aller bien au-delà de la phase aiguë.

 

L’avis de notre amie des bêtes

Kate Amiguet, créatrice de la Fondation MART (Mouvement pour les Animaux & le Respect de la Terre), nous donne son point de vue : «Je suis contre l’écornage des vaches qui relève en effet de la maltraitance. Les cornes des vaches sont innervées et donc sensibles. Si l’écornage se pratique, c’est pour pouvoir entasser encore plus les animaux dans des surfaces toujours plus petites, pour plus de profit et de rentabilité. En liberté ou avec suffisamment de place, les animaux ne se blessent pas, ils s’évitent. Mais évidemment que l’élevage tel que pratiqué aujourd’hui, c’est à dire des bovins coincés les uns contre les autres, provoquerait à coup sûr des blessures entre les animaux, mais également au personnel qui s’en occupe, vu les étables exiguës. C’est donc encore et toujours par rentabilité que l’écornage a lieu. Les vaches allaitantes qui sont beaucoup en extérieur conservent leurs cornes car elles disposent de plus d’espace. Ce sont principalement les vaches à lait détenues à l’ancienne (attachées en permanence avec une ficelle qui ne leur permet même pas de lever la tête ou de la tourner et qui croupissent dans une écurie sombre et sans air), qui ne sont pas écornées. Mais leur sort n’est pas mieux, voire pire que celui des vaches écornées. Tant que les gens continueront à boire du lait animal, à consommer du fromage et des cadavres d’animaux, la maltraitance se poursuivra ; pour notre plaisir et pour le porte-monnaie des éleveurs… Alors qu’il existe des dizaines de laits végétaux (et je ne parle pas du lait de soja) comme le lait de riz, de quinoa, d’avoine, de chanvre, etc… Quant aux fromages végétaliens on en trouve de très bons.»

 

Un choix corné-lien

Les subventions sont multiples pour les agriculteurs, notamment en ce qui concerne le bien-être des animaux. La Confédération soutient les éleveurs qui possèdent une étable à stabulation libre : il s’agit d’une étable dans laquelle les animaux peuvent se déplacer librement et ne sont pas attachés. Dans le cas de la présente initiative, il était question de subventionner ou non les éleveurs de vaches à cornes et non d’interdire l’écornage comme certains l’ont imaginé. Le peuple a voté non, mais qu’en pensent les principaux intéressés : les éleveurs ?

 

Pascal Darbellay (Chiètres-sur-Bex)

Pascal Darbellay est propriétaire d’une septantaine de vaches d’Hérens dont les cornes ont été préservées pour des combats de reines dans le canton du Valais. Pour l’entretien de ses vaches, l’éleveur bellerin reconnaît qu’il faut gérer l’écurie différemment. «Cela demande plus de travail. Dès l’âge de quatre mois on donne un coup de lime et à dix mois on met un guide-cornes afin qu’elles poussent droites. Mais, finalement, cela ne coûte pas plus cher en terme d’entretien. Si certaines races à cornes sont plus agressives que d’autres, il existe aussi certaines races qui sont moins agressives lorsqu’elles ont leurs cornes.» Lorsque l’on demande à Pascal Darbellay s’il considère l’écornage comme de la maltraitance, il nous répond : «Oui et non. Pour les vaches d’Hérens je suis contre et si écornage il doit y avoir, il faut que cela se fasse dès les premières semaines de l’animal autrement ce dernier n’aura plus le même instinct ni le même caractère.» Pour conclure, l’éleveur nous donne son avis sur ladite votation : «Cette initiative était inutile. Ce n’est d’ailleurs pas le peuple qui aurait dû voter, mais les personnes directement concernées.»

 

Joe et Isabelle Quartenoud (Frenières-sur-Bex)

Le couple Quartenoud possède quant à lui une soixantaine de Simmental dont les cornes ont également été préservées. «Nous avons repris l’exploitation familiale en 2010 qui possédait des vaches rouges sans cornes. Avec mon mari, nous avons versé dans l’homéopathie et les soins énergétiques. Nous avons alors opté pour des vaches à cornes.» Un regard différent est alors porté sur cet organe souvent relégué au second plan. «Les cornes sont des antennes qui jouent un rôle tant sur la digestion de l’animal que sur sa fécondité», explique Isabelle Quartenoud qui reconnaît que pour posséder des vaches à cornes il faut plus d’espace car ça prend plus de place. «Si elles n’ont pas un espace suffisant, elles s’entre-tuent. Dans l’écurie, on n’attache pas une vache sans corne de la même manière qu’une qui en possède. On doit faire attention, mais cela ne veut absolument pas dire qu’elles sont méchantes. Une vache à cornes peut nous blesser sans le vouloir, tout simplement en levant la tête, par exemple.» Quant à la question du budget pour l’élevage de vaches à cornes, l’éleveuse nous répond : «Cela coûte plus cher uniquement lorsque l’on doit construire ou agrandir pour les accueillir. Autrement cela ne change rien.» Et lorsqu’on lui demande son avis sur l’écornage, Isabelle Quartenoud nous répond : «Je ne suis pas contre, il est d’ailleurs préférable que certaines écuries mal adaptées n’accueillent pas de vaches à cornes.» Finalement, concernant la votation en question : «Je n’ai pas trouvé cette initiative utile. En agriculture tout devient compliqué et sur-réglementé. Tout est très stricte avec beaucoup de normes absurdes. Sans subvention, les exploitations ferment. Mais ces subventions nous octroient très peu de liberté.»

 

Alors pour ou contre l’écornage ? Ce qui est certain, c’est que cette initiative visait à offrir une vie décente à un animal trop souvent maltraité. Cependant, était-ce le bon moyen ?

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Article écrit par

Zoé Gallarotti

Zoé Gallarotti

Rédactrice en chef

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